Un « contrat doctoral » de droit privé (article 4, I) est créé, qui rompt avec la logique tripartite de la convention CIFRE qui associe une entreprise, un·e doctorant·e et un laboratoire, au bénéfice d’une logique bilatérale dont le laboratoire est exclu. Un seuil est donc franchi, et nous voilà arrivé·es à une recherche doctorale totalement privatisée. Important le LABO quand même dans une recherche ? Non?
Dans la même veine, des post-docs de droit privé sont créés (article 4, IV), sans aucun encadrement légal autre qu’un très vague renvoi à un décret en Conseil d’État et l’exigence que « l’activité de recherche proposée doit fournir au salarié une expérience professionnelle complémentaire au doctorat ». Donc, vient travailler gratos ! Pire encore, les quelques mesures d’encadrement des CDD prévus par le code du travail sont rendues inapplicables à ces post-docs (« Les dispositions des articles L. 1243-13 et L. 1243-13-1 du code du travail ne sont pas applicables au contrat de travail »). Ne serait-ce que sur ce point, la LPPR s’annonce comme une gigantesque machine à précariser. Honteux, la France piétine ses docteurs et donc son université.
Le « CDI de mission scientifique« , qui était annoncé, est bien mis en place (article 5), avec pour objet de contourner la règle de la transformation obligatoire en CDI des relations contractuelles d’une durée supérieure à six ans – une règle qui, il faut le rappeler, n’a été introduite en France en 2005 que parce qu’il s’agissait d’une obligation européenne (directive du 28 juin 1999). Dans la lignée du « CDI de chantier ou d’opération » d’ores et déjà applicable « dans les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique » depuis la loi PACTE du 22 mai 2019 (cf. art. L. 431-4 du code de la recherche et décret du 4 octobre 2019 fixant la liste des établissements et fondations concernées : CEA, IFREMER, CNES, Institut Pasteur, Institut Curie), l’objectif n’est rien d’autre, autrement dit, que de créer un CDI – un CDI aux conditions de rupture particulièrement souples – permettant d’éviter d’avoir à cédéiser. (…)
Pot-pourri bien pourri
On trouve à côté de cela tout un pot-pourri de mesures dont il va falloir faire dans les prochains jours une analyse serrée, afin de démasquer tous les loups éventuels. On remarque, par exemple, à l’article 18 une ouverture forte du recours à l’enseignement à distance dont on peine encore à comprendre les implications exactes, à l’article 19 une simplification des modalités de changement des statuts des établissements dits « composantes » des établissements expérimentaux, à l’article 20 une mesure destinée à limiter les recours contentieux en matière de recrutements des travailleur·ses enseignant·es-chercheur·ses, enseignant·es et chercheur·ses, à l’article 21 une liste importante d’habilitations à légiférer par voie d’ordonnances, en particulier s’agissant des établissements d’enseignement supérieur privés.
Bref, c’est un nombre considérable de fronts qui se trouvent ainsi ouverts. La communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont le CNESER est censé représenter les différentes composantes, a donc cinq jours pour en débattre, se faire une opinion, débusquer les loups, faire des contre-propositions, trouver des compromis. Cinq jours. CINQ JOURS. Devant un tel mépris, y-a-t-il vraiment quelque chose à débattre ?
Réflexions :
Ces débats doivent inquiéter et alerter tous ceux qui croient encore en une recherche et une pensée libre – le financement de la recherche par l’état doit être neutre et non soumis à objectifs.
Que veut dire financer une recherche dont on indique au chercheur quoi trouver? n’est-ce pas de la manipulation? Ne seront montrables que les résultats brossant l’État dans le sens du poil? Le chercheur ne sait pas ce qu’il va trouver avant de commencer une recherche, sinon ce n’est pas de la recherche, c’est de la manipulation, la recherche doit être libre et toucher tous les secteurs. Mettre des objectifs revient à ne plus chercher pour les causes peu lucratives (ex: arrêt de la recherche pour certaines maladies rares, …).
L’université est LE lieu de la création des savoirs, de tous les savoirs. L’Université est LE lieu de l’expression et du débat contradictoire. On ne like pas à l’Université – on ne meuble pas.
Ce débat qui semble intéresser peu de monde est pourtant au centre de la vie de chacun – une recherche libre est la garantie d’un pays qui protège ET la liberté d’expression ET celle de penser. La France ne garantie plus cette protection. La politique macronienne souhaite financer une recherche dictée. Abjection !